Henri LECONTE et Gilles MULLER : quand un tennisman rencontre un autre tennisman…

24.11.21

BIRDIE : Henri, Gilles, dites-nous : quand deux stars du tennis se rencontrent, elles se racontent des histoires de ?

HENRI LECONTE et GILLES MULLER : de golf bien sûr !

B : Cet entretien commence bien messieurs !

Gilles : Oui, c’est vrai qu’on ne parle plus trop tennis ! On parle golf et bouffe !

Henri : Les seules fois où l’on a reparlé tennis, c’était lors de matches exhibition mais en dehors de ces occasions, c’est plutôt le golf qui nous passionne à présent !

Henri : Gilles, comment es-tu venu au golf ?          

Gilles : Lors du tournoi d’Indian Wells à Palm Springs en Californie, j’ai eu plusieurs fois l’occasion de taper la balle car là-bas, il y a terrain de golf sur terrain de golf ! C’est vraiment le paradis des golfeurs aux Etats-Unis.  J’ai tout de suite trouvé ça génial ! A l’époque, je jouais trois ou quatre fois dans l’année et j’adorais ça. Je me suis promis de jouer au golf plus intensément dès que j’arrêterais de jouer au tennis et c’est ce que j’ai fait !

Henri : Et tu t’entraines beaucoup ?

Gilles : Le golf m’a permis d’entretenir le goût pour la compétition que j’ai toujours eu en moi. L’avantage du golf, c’est que l’on peut s’entrainer seul alors qu’au tennis, il faut toujours trouver un bon joueur pour faire des échanges. Bien entendu, jouer seul est moins marrant mais le challenge avec le terrain est toujours là. En tout cas, je joue par tous les temps !

Henri : Tu sais ce que disent les Anglais ? « On peut jouer au golf même quand il fait beau ! »

Henri : Et que t’apporte le golf ?

Gilles : C’est un sport magnifique, au calme, en extérieur pendant quatre heures.  C’est du pur bonheur.

Henri : Quel est ton niveau de jeu ?

Gilles : Je suis 9.2. Avec mon petit groupe d’amis, nous nous challengeons beaucoup, en matchplay notamment, dans notre club à Canach.

B : Comment vous êtes-vous rencontrés tous les deux ?

Henri : Sur le circuit, même si nous avons quelques années d’écart… Vingt ans nous séparent…

Gilles : Je me souviens parfaitement de la première fois ! Tu es venu faire une exhibition à Esch avec Yannick Noah et Mansour Bahrami.  Je te connaissais parce que je te regardais à la télé.  Une image m’avait beaucoup ému.  Un jour, à Bercy, tu t’es blessé. C’était très émouvant car ton fils est monté sur le court quand tu as dû abandonner.

Henri : Oui, rupture partielle du tendon d’Achille…

Gilles : Henri faisait toujours le show. Je l’aimais beaucoup car il était gaucher comme moi.
Henri : Oui, nous avions le même style de jeu, avec montée au filet, un service slicé avec une forme de jeu atypique.  Le jeu gaucher service-volée est vraiment devenu rare aujourd’hui. Finis les McEnroe, Leconte et Muller ! A l’époque, dès que j’ai vu Gilles jouer, je me suis identifié à lui.

B : Et au golf, vous jouez en gaucher ?

HL et GM : Non, non en droitier !

Gilles : Je n’ai aucune force ni aucun feeling au golf en gaucher ! Notre geste de revers est équivalent à notre swing, tout simplement.

B : Quel parallèle peut-on faire entre tennis et golf, sur le plan physique et sur le plan mental ?

Gilles : Le golf est plus dur !

Henri : Oui, au tennis, tu peux toujours revenir au score… Alors qu’au golf, quand tu enchaines les mauvais trous, cela devient vite compliqué.  Ce qui est sûr, c’est que dans les deux cas, il y a des jours avec et des jours sans ! D’autre part, tu peux être très bon au practice et mal jouer sur le terrain et inversement. Tout comme au tennis où tu peux être super bon à l’échauffement ou à l’entrainement et ne pas en mettre une pendant le match.  C’est du mental. Tennis et golf ont toujours été liés.  Aujourd’hui, plus encore que par le passé, tous les joueurs de tennis professionnels jouent au golf.

Gilles : Au tennis, tu réagis à ce que fais ton adversaire. Au golf, tu ne peux pas réagir, tu subis un peu plus et cela ne dépend que de toi.

Henri : Sans parler du parcours ou de la météo !

B : Pensez-vous que le golf soit un sport ?

Henri : Sans aucun doute ! Il suffit de jouer plusieurs jours de suite pour s’en rendre compte !

Gilles : Ce n’est pas un sport cardio mais c’est quand même un sport ! Au golf, les moments de concentration sont très intenses.  Tu ne peux pas rester concentré pendant quatre heures.  Tu discutes, tu marches et puis à un moment donné, il faut se reconcentrer pour taper la balle.  C’est une gymnastique intense.  Surtout quand tu veux progresser.

Henri : Cela me rappelle la Ryder Cup à Paris quand j’ai vu Molinari battre Tiger : j’étais épaté.  Woods était complètement fermé pendant toute la partie alors que Molinari était souriant et détendu… A chacun sa technique de concentration. En plus, au golf, la balle n’est pas deux fois dans la même situation. Alors qu’au tennis, nous n’avions pas de surprise : le terrain était toujours le même.

 

Henri : Gilles, as-tu un parcours préféré quelque part dans le monde ?

Gilles : Je n’ai pas fait beaucoup de voyages golfiques mais j’ai récemment joué un magnifique parcours très difficile et très beau : Zagaleta en Andalousie.  J’ai mal joué ce jour-là mais c’était si beau, avec toutes ces ondulations, des fairways étroits. J’aime aussi beaucoup l’Algarve et la Floride.  Aux Etats-Unis, tu perds moins de balles : c’est très différent !

Henri : Il faut que tu ailles en Ecosse ou en Irlande ! Gleneagles par exemple est tellement beau ! Mais nous avons aussi de beaux parcours plus proches, comme le Golf de Dinard en Bretagne, par exemple. 

Henri : Et au Luxembourg ?

Gilles : Chaque parcours a son charme et ses inconvénients. Pour moi, le parcours de championnat du pays, c’est vraiment le Kikuoka. J’aime aussi beaucoup le Grand-Ducal, plus court et où l’on perd moins de balles.  Junglinster me plaît aussi même si je ne l’ai pas souvent joué. Quant à Clervaux, le parcours est particulier avec plusieurs trous à l’aveugle mais un charme fou. 

Henri : Et ton club préféré dans ton sac ?

Gilles : J’aime beaucoup le driver !

Henri : Ah, tu aimes mettre des sacoches !

Gilles : Oui, mais je ne le maitrise pas bien. Quand je contrôle le driver, j’adore le son et les sensations.  J’ai le même problème avec mon putter : le feeling peut être très différent d’un jour à l’autre…

Henri : Est-ce que tes wedges ne te rappellent pas un peu les petites amorties au tennis ?  Tu avais un super feeling à la volée alors tu dois être bon avec ton 54 ou ton 56 !

Gilles : Pas tant que ça ! Je préfère taper à fond. Je devrais peut-être prendre un cours avec toi ?

B : Avez-vous déjà joué au golf ensemble ?

HL et GM : Non !

Henri : On va le faire ! Tu m’appelles ?

B : Alors chacun va faire son auto-critique ! Gilles, tes défauts sur le parcours ?

Gilles : Je n’ai pas une bonne gestion du parcours.  Je dois toujours prouver que je peux attaquer.  Devant un par 5, je vais toujours essayer de toucher le green en deux. J’ai du mal à accepter le bogey. Je veux mettre la balle au mât et je le paie. Et toi, Henri, tes défauts sur le parcours ?

Henri : Moi, je suis plus prudent, plus raisonnable au golf même si parfois, le naturel revient au galop… Ce qui est sûr, c’est que lorsque je commence bien un parcours, je peux m’enflammer et penser que c’est déjà gagné.  C’est là que je perds des coups. Je devrais faire plus attention, profiter des jumelles, prendre mon temps.

B : Et vous vous mettez en colère ?

Henri : ça peut arriver…

Gilles : Oui, mais je n’ai jamais cassé de club ! Je m’agace…

Henri : Le golf peut rendre dingue ! Je me rassure en me disant que j’ai vu Tiger Woods jouer plus mal que moi ou John Daly putter huit fois avant de balancer son putter. Cela rassure de voir que les grands craquent aussi ! Je suis un fan de vidéos de golfeurs qui ratent leur coup et pètent un plomb.  Surtout que ce sont les mêmes qui vous racontent leur meilleur coup au bar après la partie !

Gilles : Je peux parfois avoir envie d’arrêter au bout de quatre trous.  Bien entendu je n’abandonne jamais et souvent la fin de ma partie est meilleure que le début.  Une question de relâchement sans doute.

Henri : Gilles, regardes-tu le golf à la télé ?

Gilles : Oui, de plus en plus.  Je ne regarde pratiquement plus le tennis, que je trouve trop prévisible.  Tandis qu’au golf, on peut aller de surprise en surprise.

Henri : Tu as un champion préféré ?

Gilles : Tiger est un peu comme Federer au tennis : une légende.  Mais mon préféré c’est Tommy Fleetwood.

Henri : Moi, c’est Payne Stewart. Il me manque. Je suis étonné que tu ne sois pas fan de Bryson DeChambeau !

Gilles : Je trouve qu’il manque de charisme. Il se perd un peu dans sa recherche de perfection.

Henri : On a vu ce phénomène dans le tennis aussi. A un moment donné, Nadal a tenté la gonflette mais il s’est rendu compte que l’élasticité était importante aussi…

Gilles : Il faut le talent mais cela ne suffit plus.  Il faut toujours aller plus loin, plus fort, plus haut. Cela donne des journées d’entrainement minutées, sans spontanéité.  Mon jeu instinctif m’a coûté des matches mais je ne me reconnaitrais pas dans les machines de guerre d’aujourd’hui.

Henri : Moi aussi j’ai perdu des matches à cause de ma spontanéité ! Mais quel plaisir de revoir certains coups incroyables ! En ce moment je revois les images de la Coupe Davis 1991 et je vois qu’il y avait beaucoup de feeling dans le jeu de l’époque. Ce petit grain de folie s’est perdu.

Même si j’admire les champions d’aujourd’hui, au golf comme au tennis, notamment Djokovic qui, en plus d’un tennis parfait, a aussi la capacité d’entrer dans le cerveau de l’adversaire avec son mental d’acier ! Il y a des champions qui survolent leur discipline !

Henri : Gilles, as-tu un rêve de golfeur ?

Gilles : Oui ! Partager une partie avec toi ! Et progresser pour pouvoir profiter de tous les parcours.  Pour l’instant, j’ai trop l’impression de me faire manger par les parcours ! Je veux pouvoir m’amuser, y compris sur les parcours que je ne connais pas.

B : Vous entrainez-vous beaucoup ?

Henri : Oui, pas mal !

Gilles : J’ai du mal à m’entrainer au practice.  Je préfère le parcours.  Cette année, j’ai pris une seule leçon.  Je préfère jouer, jouer, jouer. 

Henri : L’entrainement nous rappelle trop l’époque où s’entrainer était notre boulot…

Gilles : Pourtant, je sais que c’est comme au tennis… Pour avoir un bon service, il faut s’entrainer, s’entrainer, s’entrainer, même si c’est ennuyant.  Je sais que je dois m’entrainer au petit jeu pour progresser mais je préfère le parcours. 

Henri : On devrait profiter de l’hiver pour travailler le petit jeu.  A Kockelscheuer par exemple !  L’infrastructure est top et la présence d’autres joueurs qui s’entrainent aussi donne de l’énergie. Pas de secret, l’entrainement est la clé de la performance, quel que soit le sport.

Gilles : Utilises-tu le golf pour ton réseau ?

Henri : Oui, beaucoup ! C’est un grand avantage du golf sur le tennis.  On peut jouer avec des personnes de niveau différents et discuter pendant le parcours.

B : Quelles sont vos actualités ?

Gilles : J’encadre quelques jeunes qui se lancent sur le circuit pro et je commente les matches sur l’ATP World Feed.  J’adore ça parce que c’est toujours un bon moment d’échange entre le commentateur-journaliste et moi. Je suis aussi directeur sportif au Club de la Spora. C’est un job que j’adore car j’apprends l’importance du joueur loisir, des enfants qui débutent, des membres adultes qui veulent juste jouer une heure par semaine.  J’aime aussi la gestion des entraineurs. C’est passionnant. Plus un match exhibition de temps en temps ou quelques interventions dans des business clubs. 

Henri : Nos vies sont faites de belles rencontres et je réalise que notre expérience de sportifs de haut niveau a de nombreux points communs avec certaines carrières dans le business : gestion du stress, récupération après l’échec, travail d’équipe, questions d’égo, etc. J’interviens souvent en business clubs ou en entreprises avec Maya, ma compagne et complice, coach en développement personnel et spécialiste de la performance et du dépassement de soi, dans le cadre de notre société de conseil HL & Co. C’est toujours très enrichissant. En ce moment, nous fêtons aussi les trente ans de la Coupe Davis de 1991… Et puis j’organise aussi quelques événements, dont l’Invitational Golf Cup by Henri Leconte & Friends.  Gilles, bloque le mercredi 28 septembre 2022 pour jouer au Kikuoka avec nous!