La belle saison arrive et l’envie d’acquérir une résidence secondaire se fait sentir… Il n’en reste pas moins qu’acquérir et détenir un bien immobilier dans un pays autre que son pays de résidence n’est pas neutre et nécessite d’être conscient des problématiques afin de les anticiper…
Au stade de l'acquisition
En Espagne, contrairement au Luxembourg, la signature d’un contrat préliminaire ou d’une promesse de vente n’est pas obligatoire. Un tel avant-contrat peut bien entendu être conclu entre les parties mais sans nécessiter le respect de conditions de forme particulières.
Le versement d’arrhes à cette étape n’est généralement pas déposé auprès d’un notaire. Si certaines régions comme la Catalogne protègent l’acquéreur-emprunteur, d’autres ne prévoient rien dans leur législation. Ainsi, l’acquéreur qui n’obtiendrait pas son financement pour acquérir le bien qu’il convoite, ne se verrait pas protégé, sauf en cas de condition suspensive de prêt stipulée dans l’avant-contrat. Les arrhes versées à titre d’indemnité d’immobilisation pourraient ainsi être conservées par le vendeur en cas de non-exécution du contrat!
Le notaire espagnol, qui reçoit lui-aussi l’acte authentique d’acquisition, ne joue pas un rôle aussi important que son homologue luxembourgeois. Se basant uniquement sur les données inscrites au registre foncier espagnol (qui constitue « la carte d’identité » du bien immobilier, seule opposable aux tiers), il se contente:
d’obtenir les informations inscrites au registre dans un délai maximal de 10 jours avant la signature de l’acte,
d’identifier la propriété au cadastre et de joindre le certificat cadastral électronique à l’acte,
de vérifier que le vendeur a bien payé la taxe municipale due,
et enfin, de vérifier que le prix a été effectivement payé, le paiement du prix ne transitant pas obligatoirement par le compte bancaire de l’Étude.
Il n’effectue aucune autre analyse juridique du bien vendu. C’est la raison pour laquelle il sera hautement conseillé d’être accompagné par un avocat espagnol afin d’éviter toute mauvaise surprise et de bénéficier d’une information complète, s’agissant notamment des spécificités fiscales locales.
L’impôt sur les Transmissions Patrimoniales et Actes juridiques documentés (Impuesto sobre Transmisiones Patrimonailes y actos Juridicos Documentdos – TPO), est dû par l’acquéreur et son taux peut varier de 6% à 10% selon la région.
L’acquisition d’un bien neuf auprès d’un professionnel est soumise à la TVA au taux de 10%.
Au stade de la détention
La détention de la résidence secondaire pour sa seule jouissance n’exonère pas le propriétaire de s’acquitter d’une taxe forfaitaire de 19%, calculée sur un revenu locatif fictif correspondant à un pourcentage de la valeur cadastrale du bien immobilier (1,1% si la valeur a été réévaluée au cours des 10 dernières années ou 2% dans le cas contraire).
A cette taxe s’ajoutent les taxes municipales foncière et d’enlèvement des ordures ménagères ainsi que l’impôt sur la fortune dépendant du lieu de situation du bien et dont les règles et taux d’imposition peuvent varier significativement d’une région à l’autre (1).
Au Luxembourg, pour autant que le bien ne soit pas loué, la détention d’une résidence secondaire à l’étranger n’implique aucune obligation déclarative complémentaire.
Au stade de la transmission
La transmission du bien immobilier – de son vivant, via une donation, ou lors de son décès – sera toujours soumise à la fiscalité espagnole.
Tout d’abord, la donation d’un bien immobilier espagnol devra obligatoirement être passée pardevant un notaire espagnol. Elle donnera lieu à l’application de la fiscalité espagnole, sans application d’une quelconque convention fiscale de double-imposition, l’Espagne n’en ayant conclu aucune dans cette matière. C’est le donataire, résident espagnol ou non, qui sera redevable des droits, dont les taux (2) et abattements (3) varient en fonction de la communauté autonome de la situation du bien.
Une différence essentielle avec le Luxembourg est que la donation du bien immobilier déclenche l’imposition de la plus-value immobilière dans le chef du donateur. Pour évaluer le coût d’une donation, il faut donc tenir compte du coût des droits de donation mais également de l’impôt de plus-value, composé d’une taxe de 19% et d’une imposition locale additionnelle, sans omettre l’imposition éventuelle du donataire dans son pays de résidence. Ainsi, la France imposera la donation, en permettant néanmoins au donataire résident français d’imputer les droits de donation espagnols sur les droits français.
La transmission par décès du bien immobilier espagnol, détenu par un résident luxembourgeois, sera également soumise aux seuls droits de succession espagnols, le Luxembourg prévoyant que les immeubles étrangers sortent de sa base imposable.
A noter que la résidence fiscale de l’héritier a plus rarement un impact (convention fiscale avec la France par ex.) mais nécessite néanmoins d’être prise en compte pour préparer toute transmission.
Etant donné que chaque communauté autonome a fixé ses taux, réductions et abattements, il est difficile de donner une idée générale du montant des droits de succession qui serait dû.
Le calcul des droits de successions espagnols est aussi d’autant plus complexe qu’il dépend de nombreux facteurs comme :
- La valeur reçue par l’héritier,
- Le lien de parenté entre le défunt et l’héritier,
- L’âge de l’héritier,
- Le niveau de fortune de l’héritier (avant succession).
A titre d’exemple, l’Andalousie prévoit depuis avril 2019 un abattement de 99% de l’impôt de succession en ligne directe. En Catalogne, les successions entre époux sont presque totalement exonérées alors que dans d’autres régions, elles peuvent être pleinement imposables. Le taux maximal est plafonné à 34% au niveau national.
Le démembrement de propriété en Espagne n’est pas non plus appréhendé de la même façon qu’au Luxembourg car la réunion de l’usufruit et de la nue-propriété, lors du décès de l’usufruitier, donne lieu à taxation (selon l’origine du démembrement).
Tenant compte du contexte actuel de mobilité géographique croissante des personnes et des biens, la Banque Degroof Petercam a établi son Hub International au Luxembourg tout en renforçant son ancrage local. Plus que jamais, il est en effet important d’être accompagné par des experts dans la réflexion et dans la mise en place de solutions sur mesure.
Marie Melikov
Banque Degroof Petercam Luxembourg
Estate Planning International Desk
BANQUE DEGROOF PETERCAM LUXEMBOURG
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Notes
1. Par ex.: en région d’Aragon, l’exemption est limitée à 400.000 euros; à Madrid, l’impôt est nul.
2. Taux maximum de 34% sur base de la législation fiscale nationale espagnole.
3. Par ex.: à Madrid, la donation en ligne directe est exonérée à hauteur de 99% comme en Andalousie depuis avril 2019; à Valence, l’abattement est limité à 100.000 euros.