Alejandro REYES : le talent, la compétence et l’expérience au service du green-keeping.

13.03.23
Alejandro Reyes

Alejandro Reyes, dans son élément !

Alejandro Reyes est ingénieur agronome et spécialiste de l’entretien des pelouses sportives. Après des débuts auprès de Nicklaus Design, il est engagé en 2012, à 30 ans à peine, par la Fédération Française de Golf pour préparer le parcours de la Ryder Cup 2018. Pendant six ans, Alejandro et ses équipes ont préparé le Golf National de Saint-Quentin-en-Yvelines afin d’accueillir les plus grands golfeurs du monde. Fort de ce succès, Alejandro a fondé la société TAS (Turfgrass Agronomy and Services) avec un autre virtuose des greens, Sylvain Duval. Leur société s’occupe aujourd’hui de l’entretien d’environ quatre-vingt-dix golfs dans le monde, dont le Golf-Club Grand-Ducal à Luxembourg.  Nous avons profité de l’un des passages d’Alejandro Reyes au Grand-Ducal pour lui poser quelques questions, ainsi qu’à son bras droit, Jeremy Goffette, lui aussi présent au Luxembourg pour quelques jours.

BIRDIE : Alejandro, tu es aujourd’hui l’un des green-keepers les plus demandés au monde. Quelle a été ton parcours pour en arriver là ?

Alejandro Reyes : Je suis passionné par les végétaux depuis toujours. A l’adolescence, j’ai intégré un lycée horticole puis j’ai choisi d’étudier pour devenir ingénieur agronome. C’est là que j’ai commencé à m’intéresser aux gazons sportifs et particulièrement aux golfs.  Il faut dire que j’ai grandi dans une région d’Andalousie qu’on appelle la « Costa del golf » !  Je suis parti en Angleterre pour mon master et j’ai appris à travailler le gazon pour tous types de sports se jouant sur pelouse : football, rugby, tennis, etc.  C’est là que j’ai vraiment commencé à jouer au golf.  Après ce master, j’ai eu la chance de faire un stage dans une société qui travaillait avec Nicklaus Design et nous avons construit cinq parcours en six ans.  C’est rare, riche et intense comme formation ! Je suis conscient que j’ai eu beaucoup de chance !  Pour moi, la seule façon d’être bon dans ce métier est de commencer par la fonction de jardinier.  C’est ce que j’ai fait, au grand dam de mon père qui ne comprenait pas que je sois jardinier après tant d’années d’études ! Puis j’ai été fontainier, adjoint puis intendant et j’ai continué à grandir dans la société.  Pendant cette période au service de Nicklaus Design, j’ai continué à me former à distance et je suis devenu l’un des trois seuls auditeurs agréés en Europe par l’Irrigation Association américaine, pour tout ce qui concerne l’arrosage.  Le changement de ma vie s’est produit en 2012 quand j’ai appris que la Fédération Française de Golf cherchait quelqu’un pour s’occuper du parcours de la Ryder Cup.  J’étais jeune, mon français était nul mais j’y suis allé !  Avant le dernier entretien, nous étions cinq sur la short-list et j’ai profité des quelques mois de délai pour apprendre le français.  Pour le dernier entretien, j’ai été le seul à proposer de parler français.  Imaginez mon accent à l’époque !  (Alejandro parle aujourd’hui avec un charmant petit accent espagnol qui ne trompe pas… ndlr.). L’entretien s’est bien passé et j’ai obtenu le poste.  On a rénové l’Albatros, j’ai travaillé sur six opens de France puis sur la Ryder Cup, qui fut un grand succès. Avant de partir pour prendre le poste à Paris, j’ai proposé à Sylvain Duval, qui était mon patron en Angleterre, de nous associer pour créer le leader européen du gazon de golf.  Dès le lendemain de la Ryder Cup à Paris, nous avons monté TAS (Turfgrass Agronomy and Services). Nous nous étions donné rendez-vous et nous avons tenu parole.  Notre premier parcours a été celui du Trophée Hassan II au Maroc et depuis, ça ne s’est pas arrêté.  Nous ne pouvons même pas répondre positivement à toutes les demandes ! Notre succès est sûrement dû au fait que tous les techniciens de TAS ont été super-intendants sur un golf car nos missions concernent l’agronomie mais aussi l’organisation des équipes de jardiniers.  Tu n’es pas crédible si tu n’as pas toi-même été dans la fonction !

L'équipe de green-keepers lors de la Ryder Cup 2018

Tous les green-keepers lors de la Ryder Cup 2018.

BIRDIE : Jeremy, peux-tu te présenter en quelques mots ?

Jeremy Goffette : Je suis passionné de golf depuis l’enfance.  Lorsque nous avons déménagé pour les Etats-Unis, alors que j’avais un an, mon père jouait au golf, principalement pour raisons professionnelles car il signait ses contrats au club-house.  Je suis d’abord allé au golf le week-end, principalement pour conduire la voiturette, dès l’âge de quatre ou cinq ans.  Puis vers six ans, j’ai commencé à jouer.  C’est devenu une passion très rapidement.  A quatorze ans, lorsque je suis revenu en France, j’ai gardé le rêve de devenir pro mais je n’ai pas été assez sérieux pour ça !  Nous nous sommes installés à Epinal, où j’ai été animateur sportif dédié au golf mais je n’ai pas du tout aimé ça.  Lorsqu’un poste de jardinier s’est libéré, j’ai commencé dans cette petite structure.  J’ai d’abord fait les roughs… C’était ennuyeux et il me semblait que le green-keeper réalisait des travaux beaucoup plus intéressants !  C’est là que j’ai commencé à me passionner concrètement pour l’agronomie. Après quelques années, je suis devenu adjoint puis j’ai fait la formation de green-keeper à Dunkerke, tout en intégrant le Golf de Saint-Nom-la-Bretèche en région parisienne.  Avant la fin de ma formation, j’ai été embauché au Golf de Joyenval, un très bel endroit, où je suis devenu superintendant.  Intéressé par la construction de parcours et par la rénovation de golfs, je suis parti chez Natural Grass ou j’ai été directeur de la branche golf.  J’avais eu le plaisir de rencontrer Alejandro, qui avait un accent beaucoup plus fort qu’aujourd’hui (rires), car nous avions visité le Golf National dans le cadre de ma formation de green-keeper. Il nous avait gentiment laissé son numéro et c’est donc tout naturellement que je l’ai contacté en 2014 pour devenir bénévole à l’Open de France.  A partir de là, je ne l’ai plus vraiment quitté et j’ai fait tous les Opens de France jusqu’en 2018, ainsi que la Ryder Cup ! J’ai intégré TAS il y a à peu près un an. Je suis ravi de travailler avec Alejandro, qui est devenu un ami.

BIRDIE : Alejandro, on te qualifie souvent d’« orfèvre du gazon » ou de « génie des greens ». Es-tu un magicien ?

Alejandro : Non, ça ce n’est pas vrai.  Je ne suis pas un magicien.  J’observe, simplement. Et aujourd’hui, j’ai l’expérience.  Je passe ma vie sur les golfs. Je voyage d’un golf à l’autre, au Maroc, au Cameroun, au Vietnam, au Canada… Maintenant, quand j’arrive sur un parcours, il est rare que je trouve une situation que je n’ai jamais vue ailleurs. Cela me permet de trouver les solutions rapidement.

Green-Keeping

Les baguettes magiques d’Alejandro : le matériel !

BIRDIE : Jeremy, justement, toi qui connais bien Alejandro, Peux-tu nous dire quelques mots sur sa façon de travailler ? Est-ce un magicien ?

Jeremy : Alejandro dit qu’il observe beaucoup.  C’est vrai. Mais il sait énormément de choses. Il y a aussi beaucoup de travail derrière toutes ses compétences.  Il travaille jour et nuit, sept jours sur sept.  C’est un bosseur.  Je ne sais pas quand il ne travaille pas !

BIRDIE : Alejandro, quelles sont pour toi les qualités d’un bon parcours de golf ?

Alejandro : Il y a trois clés : le design, la construction et l’entretien.  Si le parcours n’est pas bien dessiné, si le routing n’est pas bon, si l’équilibre pars 3/pars 5 n’est pas bon, si les distances entre les greens et les départs ne sont pas optimales, alors ce sera compliqué d’améliorer ce parcours.  Ensuite, de la construction bien réalisée dépend l’intensité des maladies et la jouabilité toute l’année par exemple.  Enfin, il y a l’entretien.  C’est la chose la plus facile à corriger.

BIRDIE : Et tu travailles sur ces trois points pour un parcours parfait ?

Alejandro : Chez TAS, nous travaillons sur la construction et sur l’entretien mais pas sur le design.  Nous transformons les plans de l’architecte en chiffres, en quantitatif, en cahier des charges.  Je peux affirmer que nous sommes de vrais experts dans nos domaines d’activités.  Mais comme nous ne sommes pas experts en design de golf, je préfère ne pas y toucher.

L’entretien parfait par Alejandro Reyes porte ses fruits.

BIRDIE : La pelouse d’Arsenal, le gazon de Wimbledon, les greens de la Ryder Cup… Parmi tes clients prestigieux, on trouve aussi des petits clubs de golf. Ne t’ennuies-tu pas quand tu fais face à des projets moins ambitieux ?

Alejandro : Mais non !  Pas du tout, au contraire ! C’est vrai que j’ai fait des stages sur des enceintes de haut niveau.  C’était très intéressant.  Mais je prends énormément de plaisir sur les golfs !  Chaque parcours est différent. Chaque golf nous donne des soucis différents et parfois, c’est plus challenging de travailler sur des parcours moins connus. C’est évident qu’on ne prépare pas un terrain pour des champions comme pour des amateurs.  Ce ne sont pas les mêmes budgets et ce ne sont pas les mêmes objectifs.  C’est pour cela que nous commençons toutes nos missions par un audit pour comprendre parfaitement ce que souhaite le client et pour quel budget.  Il nous arrive de dire qu’il est impossible de faire ceci ou cela pour tel budget mais notre rôle est de guider les comités pour qu’ils prennent les bonnes décisions.  Nous retirons beaucoup de pression des épaules des intendants qui sont parfois mis sous pression par le comité ou par les membres. Nous prenons du plaisir avec tous nos clients en offrant un large éventail de services allant du bureau d’étude, aux aspects techniques et pratiques, jusqu’à l’arrosage, en passant par le coaching des équipes.

BIRDIE : On dit que le superintendant du parcours de la Ryder Cup a la capacité de préparer le parcours en faveur de l’une ou l’autre des deux équipes ? Est-ce vrai ?

Alejandro : Ce n’est pas le superintendant… c’est le parcours (rires). Forcément, quand on joue à la maison, c’est comme au foot.  On prépare le stade d’une façon ou d’une autre.  Et c’est vrai que ça peut tout changer : des greens plus fermes ou plus mous, à trois mètres ou à quatre mètres, des roughs tondus à 50mm ou à 120, des fairways de quinze mètres à la tombée de drive ou des fairways de trente.  Forcément, on essaie d’adapter le terrain pour l’Europe mais de la même manière, les Américains préparent leur terrain à leur façon lorsqu’ils organisent la Ryder Cup chez eux !

BIRDIE : Alors qui va gagner la Ryder Cup 2023 ?

Alejandro : Je pense sincèrement que ce sera l’Europe.  En 2018, sur le papier, les Américains étaient beaucoup plus forts.  Pourtant, déjà en 2018, grâce au capitaine européen et grâce au parcours de l’Albatros, l’Europe l’a emporté ! Cette fois-ci, les équipes sont beaucoup plus équilibrées donc nous avons vraiment toutes les chances de notre côté !

BIRDIE : Le golf est souvent critiqué pour son impact environnemental. Que dirais-tu à ses détracteurs ?

Alejandro : C’est hyper important d’aborder ce sujet !  Le golf est en pleine mutation. Depuis dix ans, nous avons beaucoup changé nos façons de travailler, tant sur le plan de la gestion de l’eau que des intrants ou des produits phyto-pharmaceutiques.  Nous travaillons beaucoup plus le sol. Mais souvenez-vous, il y a dix ou quinze ans, quand un humain était malade, on lui donnait tout de suite un antibiotique.  Aujourd’hui, ce n’est plus automatique.  Pour les parcours de golf, c’est pareil, ce qui était automatique il y a quelques années, ne l’est plus du tout aujourd’hui.  Aujourd’hui on fait tout pour éviter que le gazon soit malade car on sait qu’on ne peut plus lui imposer les intrants du passé.  Nous laissons aussi beaucoup plus de zones sauvages pour développer la biodiversité.  Il n’y a pas un parc en ville qui donne la même biodiversité qu’un petit parcours neuf trous ! Les zones sauvages sur les golfs, avec différents types de végétaux, avec des herbes hautes et un peu de prairie sont très riches.  Je pense qu’il faut faire connaître les bienfaits des golfs sur la biodiversité notamment.  Des initiatives sont prises et doivent être davantage connues et partagées.

BIRDIE : Quel est ton rôle au Golf-Club Grand-Ducal ? Avec quelles ambitions ? 

Alejandro : J’ai rencontré Patrick Fromowicz, le directeur du Grand-Ducal, au Golf National.  Quand il a appris que j’avais créé ma société, il m’a appelé pour me demander un audit au Golf-Club Grand-Ducal. Je suis venu une première fois l’année dernière et j’ai tout de suite pensé qu’il était possible de faire avec ce très beau parc, un très beau golf.  Le Grand-Ducal est un parcours datant de l’âge d’or de la conception des golfs.  Le dessin est magnifique et ses quelques petits soucis sont largement solutionnables.  Le parcours est vraiment préservé et en augmentant la qualité, on fera monter le Grand-Ducal dans les rankings ! Nous souhaitons garder la philosophie de Simpson qu’on voit à Morfontaine, à Fontainebleau ou à Hardelot.  Nous allons ajouter un peu de difficulté mais visuellement, ce sera royal !

Patrick Fromowicz et Alejandro Reyes

BIRDIE : As-tu eu l’occasion de visiter les golfs luxembourgeois ?

Alejandro : Non ! Il faut que je revienne !

BIRDIE : Et toi Jeremy ?

Jeremy : J’ai eu l’occasion de jouer le Kikuoka il y a longtemps.  J’en ai gardé un excellent souvenir !

Barbara FORZY