A l’occasion de la CAR Avenue Invitational Golf Cup by Henri Leconte & Friends et à l’invitation du B17, Grégory Bourdy était de passage au Luxembourg en septembre dernier. Rencontre avec l’un des champions les plus élégants du golf français.
Birdie : Que retiens-tu de ta jolie carrière jusqu’ici ?
Grégory Bourdy : Il y a deux, trois ou même quatre événements qui m’ont marqué. D’abord ma victoire à Hong-Kong en 2009. Ce n’était pas ma première victoire sur le DP World Tour – le Tour européen à l’époque – c’était la troisième mais la plus accomplie, la plus marquante. J’ai été en tête rapidement dans le tournoi, je suis parti leader pour le dernier tour et j’ai réussi à garder la tête jusqu’au bout en terminant devant quelques grands noms du golf comme McIlroy, Poulter et Molinari. En termes de performance, c’était très marquant. Et en plus, cela tombait le jour de l’anniversaire de ma mère, ce qui était un beau clin d’œil. Je ne vais pas dire que la boucle était bouclée mais les planètes étaient alignées et ont donné une grosse performance que j’ai pu lui dédier. C’était un très beau moment.
Ensuite, il y a eu le Seve Trophy en 2013. Il s’agit du tournoi qui oppose les Iles Britanniques à l’Europe Continentale. Cette année-là, il se jouait à Saint-Nom-la-Bretèche sous le capitanat de José María Olazábal, une légende du golf. J’avais à cœur de très bien faire pour l’équipe et pour lui car c’est un immense champion, d’une belle humilité, que je respecte beaucoup. J’ai gagné mes cinq matches, les quatre doubles et le simple, ce qui n’avait jamais été réalisé et qui reste un record à ce jour. C’est une petite fierté personnelle. J’ai vécu une grande semaine, mon niveau de jeu était à la hauteur. J’ai rarement aussi bien joué au golf !
La grande année a quand même été 2016 avec ma qualification aux Jeux Olympiques. Cela a été une grande fierté de jouer pour la France, pour mon sport, avec mon ami Julien Quesne. Et puis en 2016, j’ai été en tête de l’US Open. Même si je termine 18ème, tout comme je terminerai également 18ème de l’US PGA la même année, je pense avoir fait vibrer la France en étant devant Dustin Johnson qui finira par gagner le tournoi, son premier majeur. Au niveau golfique, j’ai l’impression qu’à ce moment-là, j’ai touché du doigt ce que je pouvais faire de mieux sur l’un des parcours les plus difficiles au monde, avec un champ de joueurs incroyable. Certes, je ne gagne pas et je finis à une place honorable mais j’ai senti que je pouvais le gagner, ce qui était mon objectif depuis tout petit. Le fait que beaucoup de gens m’en parlent encore aujourd’hui me fait réaliser que les majeurs font vraiment rêver le public. L’US Open est un tournoi mythique. On dit souvent que c’est le plus gros test golfique tant les parcours y sont difficiles. Un grand moment !
B : Comment as-tu abordé tes succès ? Quels adjectifs pourraient te qualifier ? Fier ? Persévérant ?
G.B : J’ai toujours voulu rendre fiers mes parents car c’est grâce à eux que j’en suis là. J’ai essayé de faire de belles choses pour eux et j’ai surtout essayé d’être quelqu’un de bien, au-delà des performances, dans la vie de tous les jours et dans le golf. J’ai toujours voulu être le plus honnête possible sur le parcours et avoir une belle attitude en m’inspirant des plus grands. J’ai des idoles comme Federer ou comme Tiger Woods pour parler du golf. Ce sont ces exemples-là qui m’ont donné envie d’avoir toujours une bonne attitude et un bon état d’esprit. Ce qui me caractérise aussi c’est le travail et sans doute l’humilité. J’espère inculquer à mes enfants qu’il faut être d’abord une bonne personne. Je cherche à être exemplaire dans mon sport et dans la vie de tous les jours. Dans notre sport, il y a beaucoup de gens honnêtes mais il y a malheureusement aussi des gens malhonnêtes. J’ai rendu mon père fier en gagnant des tournois mais je l’ai aussi rendu fier en respectant des règles de golf parfois très complexes : une balle qui bouge sur un green et on se fait hara-kiri ! Je préfère largement que mes enfants ne gagnent pas mais qu’ils soient des bonnes personnes plutôt que de les savoir tricheurs ou arrogants ! La gagne à tout prix n’est pas mon truc.
B : Et comment as-tu géré les moments plus difficiles ?
G.B. : Le pire a été ma désillusion aux cartes européennes à la fin de ma première saison sur le Tour européen. En 2005, j’échoue à un point pour conserver ma carte et je dois donc repasser les qualifications. Après quatre tours, je suis assez largement dans les dix premiers mais à après avoir rendu ma carte, je croise un arbitre et je lui pose une question de règle à propos d’une situation qui m’était arrivée sur le parcours. Je pensais avoir pris la bonne décision mais après vérification, l’arbitre m’a confirmé que je m’étais trompé et m’a indiqué qu’il était obligé de me disqualifier. Le monde s’est écroulé à ce moment-là. J’avais l’impression de jouer ma carrière. C’était vraiment très dur. Puis, avec mes parents et mes copains qui étaient sur place, j’ai remonté la pente. Il ne fallait pas en faire une montagne. Dans ces cas-là, il faut prendre de la hauteur. Avoir la santé et être entouré de l’amour de ses proches est plus important qu’une victoire. Deux semaines après cette aventure, j’ai réagi et je suis parti jouer l’Open d’Afrique du Sud où j’ai réalisé une grosse performance en finissant juste derrière les deux légendes que sont Ernie Els et Retief Goosen. Me voilà sur le podium à côtés d’eux et là, je décide de rester en Afrique du Sud et de jouer le Sunshine Tour dans le but de gagner quelques invitations sur le Tour européen. Je finis deuxième de ce circuit, j’ai donc accès à d’autres tournois et je gagne ma carte du circuit européen pour l’année d’après. Finalement, cette étape m’a construit.
B. : As-tu travaillé ton mental ?
G.B. : C’était un peu moins à la mode à mes débuts. Pourtant, dans l’équipe de France, même si le coaching mental se faisait peu en France, la Fédération avait déjà mis en place des programmes en ce sens. Nous avions un préparateur mental et une psychologue avec qui j’avais un excellent contact. J’avais 17 ou 18 ans à l’époque et j’ai continué à travailler avec elle à mes débuts professionnels. Je travaille même encore un peu avec elle aujourd’hui. J’ai rencontré d’autres préparateurs mentaux au cours de ma carrière. C’est un point que j’ai travaillé assez tôt, même avant ça, dans mon club, parce que notre président avait pour ambition de nous faire gagner la Gounouilhou, le championnat de France des clubs, alors que nous partions de la quatrième division ! Il avait de l’ambition et avait fait appel à Olivier Léglise, avec qui je travaille toujours aujourd’hui. C’est aussi à cette époque que j’ai découvert la sophrologie. Certains ont moins besoin de travailler le mental que d’autres mais ce qui est sûr c’est que bien s’entrainer et travailler dur renforce le mental. Dans notre discipline, certains exercices qui nous poussent dans nos limites renforcent indéniablement notre mental.

B. : Et sur le plan physique ?
G.B. : En ligue d’Aquitaine, nous avions déjà une préparation physique tournée vers le cardio. Je suis venu à la musculation un peu plus tard mais j’ai toujours eu cette culture sportive. Pour moi, le golf était associé au sport et c’était un atout d’être en très bonne forme physique. Ce n’était pas une généralité à l’époque. Quand je suis passé pro au début des années 2000, j’avais une vraie culture de l’entrainement physique et de la diététique grâce à la Ligue et à la Fédération alors qu’à l’époque, nous étions une minorité à avoir une culture physique. Aujourd’hui, tout le monde va à la salle pour du cardio, des étirements, du renforcement ou de la musculation. Celui qui a été le précurseur, c’est Tiger Woods. J’ai eu la chance de jouer des tournois avec lui et de le voir à la salle de sport faisant de la musculation sur les compétitions. C’est ce que font beaucoup de jeunes joueurs aujourd’hui.
B. : Quels sont tes objectifs à présent ?
G.B. : Je repasse les cartes européennes afin de revenir sur le DP World Tour. Je vais essayer d’être prêt et j’espère me qualifier dans le but de revivre de grands moments dans ce sport. C’est un plaisir immense de concourir parmi les meilleurs sur les parcours les plus exigeants. C’est ce qui me manque aujourd’hui. Mon rêve de gamin était de remporter un majeur. Aujourd’hui, mon rêve reste de participer au Masters. J’ai 43 ans et beaucoup de joueurs sont encore très performants à la quarantaine. Et puis on peut écrire de très belles pages sur le circuit senior aussi, notamment aux Etats-Unis. Normalement, j’ai encore de belles choses à venir.
B. : Était-ce ta première fois au Luxembourg ?
G.B. : Oui, première fois ! Mon cousin (Cédric Bourdy, ndlr) vit ici depuis sept ans et je n’avais jamais eu l’occasion de lui rendre visite. Le tournoi d’Henri Leconte était donc l’occasion parfaite. Nous en avons profité pour organiser un événement au B17 autour du vin, mon autre passion, puisque j’ai monté une société de négoce, Bourdy Fine Wines, avec ma sœur, ancienne pro de golf elle aussi. Étant bordelais, nous avons toujours baigné dans l’univers du vin. C’est une belle nouvelle page à écrire en famille. Je ne connaissais pas encore Henri Leconte jusqu’à aujourd’hui. Je l’avais simplement croisé sur certains événements mais il nous a tellement fait vibrer sur la Coupe Davis ! J’ai pratiqué le tennis aussi quand j’étais jeune. J’adorais ce sport. Je suis allé plusieurs fois à Roland-Garros, je suivais les autres épreuves à la télé. Et voir tant d’anciens sportifs fans de golf réunis ici, c’est génial. Voir que le golf plaît autant, c’est super.

B. : Que dirais-tu à un jeune qui voudrait tenter une carrière pro ?
G.B. : Le golf est un sport magnifique qui ouvre des portes incroyables, qui fait voyager. Quand on a la chance d’accéder aux plus grands tournois du monde, c’est magique. En même temps, c’est un sport très difficile. Les sacrifices sont nombreux mais les voyages à travers le monde nous construisent. On est déracinés mais on vit des aventures incroyables. Si un jeune est prêt en termes de niveau de jeu et d’engagement, il doit foncer.
B. : Merci Grégory !
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